L'histoire a fait le tour du web tunisien et mondial. Un vrai scandale pour la Tunisie... Un crocodile a été retrouvé mort, tué à coup de pierres au parc zoologique du Belvédère à Tunis. De quoi fantasmer des journalistes en quête de scoops et de surenchères, dans un paysage médiatique tunisien aussi triste que cette histoire du pauvre crocodile. Une véritable mascarade !
Le crocodile est mort... Il a apparemment été tué, lapidé à coups de pierre par une bande d'inconnus, inconnus mais jeunes! Oui jeunes, malgré que personne n'a rien vu, et que les caméra de sécurité installés au zoo du Belvédère n'ont absolument rien filmé. Mais c'est quoi cette histoire ? On doit faire une recherche sur le web pour mieux comprendre les faits...
Un crocodile mort à Tunis : que les enchères commencent !
L'info a été publiée la première fois le 1er mars 2017 sur la page officielle de la municipalité de Tunis. Quatre photos d'un crocodile mort, avec deux grosses pierres tachetées de sang à ses côtés, et un statut en langue arabe. Cela a largement suffit pour en faire l'affiche médiatique N°1 de ce début du mois de mars, et sans doute un des buzz les plus "réussis" de l'année 2017, malheureusement...
L'info a d'abord été relayée par les radios privées nationales. A la une des flash d'informations à forte audience, mais aussi à la une de leurs sites web respectifs.
Shems FM consacre à l'histoire du crocodile tué un premier article le jour même, puis un deuxième, le jour d'après, avec un détail très important : "le crocodile est mort noyé dans la flaque d'eau après avoir perdu connaissance Les poumons de l'animal étaient gonflée et pleins d'eau".
Madame Samia Sahloul, "la déléguée" d'El Menzah (quel rapport avec le Belvédère???) donne plus de précisions sur les faits, précisant que c'est des jeunes visiteurs qui ont commis cet acte barbare, tout en soulignant qu'aucune des 24 caméras de surveillance du zoo du Belvédère n'a filmé la scène. Cherchez l'erreur ...
Il y'a eu ensuite Mosaique Fm qui a consacré à l'histoire du crocodile trois articles (à ce jour).
Et un, et deux , et trois ... zéro pour Mosaique ! D'autres suivront probablement dans les prochains jours dans cette affaire d'état...
Et puis, c'est l'euphorie générale ! Les prestigieux "magazines électroniques" tunisiens relaient les unes après les autres la "cruelle" histoire du crocodile de Tunis, avec enchères et surenchères aussi cruelles et tristes que les faits "réels" de cette histoire.
Professionnalisme journalistique vous avez dit ?
Quand on parle de l'amateurisme avec lequel les médias ont abordé ce "fait divers", je ne peux m'empêcher de prendre Kapitalis comme exemple.
Un premier article publié par le web-magazine tunisien avec comme titre : "Zoo de Tunis : Des visiteurs tuent un crocodile à coups de pierres !". Une métaphore de lapidation digne des scénarios Daechiens les plus cruels, très en vogue en ce moment dans les médias...
Puis arrivent un 2ème article et un 3ème soulignant et en gras le massacre qu'a subit le pauvre crocodile tué "à coups de pierres". Et enfin un quatrième article où même les cardiologues s'y mettentà cœur joie ! L’amateurisme journalistique tunisien dans toute sa splendeur.
La lapidation à mort, c'est des journalistes tunisiens qui l'utilisent " fièrement "comme titres dans leurs articles au sujet de l'incident du crocodile mort, de quoi salir une image déjà assez terne du pays... Comment alors reprocher à des médias internationaux de relayer l'histoire en reprenant le même terme, du même registre sombre, lié au terrorisme, à Daech, et à des stéréotypes sur la religion islamique que certains médias étrangers trouvent malheureusement beaucoup de plaisir à afficher.
Bref ! Tout le monde redit la même chose. Tout le monde publie les même images. Pas la moindre investigation... Aucun travail journalistique "professionnel". On cherche le buzz à coup de titres à deux balles. Tous à la conquête de trafic pour booster les statistiques Alexa et Google Analytics de leurs tristes sites...
Aucun journaliste ne s'est demandé comment on a su que ce sont des jeunes visiteurs ils ont commis cet acte, alors qu'aucune caméra de surveillance n'a filmé la scène...
Personne ne s'est demandé comment un jeune enfant aurait pu jeter de grosses pierres de ce calibre (qui pèserait chacune 2 kilos minimum) à travers une barrière d'une hauteur de 2 mètres environ. Que faisaient d'aussi grosses pierres dans les environs? Et comment ces "jeunes agresseurs" sont parvenus à toucher, deux fois de suite, le crocodile à la tête, alors qu'il était loin, dans le bassin d'eau, puisqu'il y est mort noyé...
Aucun journaliste tunisien n'a pris la peine de vérifier les informations, de contacter le crocodile tué pour prendre ses déclarations et sa version des faits, de demander aux amis du crocodile et à sa famille qui ont été sûrement témoins de l'incident ce qui s'est réellement passé dans la cage des crocodiles du zoo du Belvédère dans cette journée du mercredi 1er mars... Tout ce qui importe pour nos journalistes, c'est créer le buzz, peu importe si les faits sont vrais ou faux.
Un buzz réussi en tous cas. On ne peut trouver meilleure publicité pour la Tunisie dans les quatre coins du monde que cette histoire du pauvre crocodile massacré, torturé, lapidé jusqu'à la mort par une partie du Grand Peuple Tunisien, citoyens "civilisés" d'un Grand pays accueillant et pacifiste qui, quelques mois auparavant, a remporté le prix Nobel de ... La Paix..
L'état dans lequel se trouve le parc zoologique de Tunis, les conditions dans lesquelles vivent les animaux dans le zoo, l'absence de surveillants et de vidéosurveillance, l'anarchie qui règne dans le zoo de Tunis, la manière avec laquelle les médias tunisiens ont abordé l'incident dans ce contexte de crise, le, le, le.... Tout était faux dans cette triste histoire du crocodile... Réellement mort, malheureusement.
by Wlidha